JOUR 1
Le ciel déverse encore sa colère ce matin, comme les jours précédents. Il paraît que de l’autre côté de l’atlantique, le temps est plus sec, mais plus froid aussi. Ça tombe bien, on a envie de fraîcheur, de neige, de changer d’air tout simplement. Alors, quand le réveil sonne à 5h00 ce Jeudi 5 Mars, nous sautons du lit avec le sourire, prêts à affronter cette longue journée de voyage.
Pour une fois, nous sommes trois à partir, Pascale, notre grande fille « A » et votre serviteur, c’est à dire moi-même.
Le petit dej englouti, on prend la route, direction Toulouse, où nous attend un Airbus A319 d’
Air France. Une fois n’est pas coutume, nous voyageons avec AF dont les tarifs et les horaires correspondaient plus à nos attentes. Pressentiment de longue date ?
Après 2h00 de correspondance et un changement de terminal à CDG, le triple 7 décolle direction le Canada, Montréal plus précisément.
Notre deuxième fille « E » y vit et y travaille depuis début octobre 2019. Elle bosse dans un
hôtel, le Sofitel pour ne pas le nommer, en plein cœur de ville dans le Carré Doré. Quartier situé au pied du Mont Royal, et qui regroupe musées, université (Mc Gill) et autres
hôtels de luxe. Un quartier assez cossu.
Ce voyage, vous l’aurez compris, est plus sous le signe des retrouvailles que du roadtrip. D’ailleurs, les seul déplacements que nous avons faits, c’est pour nous rendre à Toronto, aux
Chutes du Niagara et dans les Laurentides pour faire de la motoneige et du chien de traîneau. Le reste du temps, nous l’avons passé à Montréal.
La pluie au départ de Paris.
Le voyage se passe tranquillement, entre film, repas et lecture. Puis, environ 1h00 avant d’atterrir, une terre recouverte de blanc apparaît par le hublot. La Gaspésie se dessine doucement.
-En parlant de Gaspésie, ça me fait penser à un certain carnet qui traîne un peu en longueur… Je dis ça, je dis rien.
-Ben alors, ne dit rien…
-Heu… Qui parle ?
-Devine...
Puis, c’est au tour de Montréal, l’
avion a perdu de l’altitude, et la ville se laisse admirer sous le soleil.
Montréal n’est pas une ville haute comme on peut le voir sur la photo, on devine quelques building
et le Mont Royal sous l’aile de l’
avion.
L’
avion se pose vers 16h00 heure locale, et nous nous dirigeons vers les machines de contrôle des passeports. Ceux sont les mêmes qu’aux États Unis, tu scannes ton
passeport, tu réponds non à la liste des questions, tu te fais tirer le portrait, et voilà. Seulement, par les hauts parleurs nous entendons le prénom et le nom de ma fille « A », mais nous ne comprenons pas le message. Au passage au douanier, nous lui demandons si c’est lui qui a fait l’appel, mais il nous dit que non. C’est au moment de récupérer nos valises que je consulte mon portable, un message d’AF nous indique que la valise de « A » n’est pas là, qu’ils sont désolé, qu’ils sont à sa recherche, patati patata… Pour son premier voyage transatlantique… Bon, elle va voir un gars qui lui indique qu’elle doit se rendre à la carrosserie dix pour faire une déclaration.
La carrosserie dix !! tiens donc, il y a des réparateurs de voitures dans l’aéroport !!
Pour la rassurer, je vais avec elle à la recherche de cette fameuse « carrosserie dix ». Au passage, on avise un autre douanier qui doit faire 2 mètres de haut, 1 de large et 50 centimètres d’épaisseur, le style bûcheron canadien mais avec un uniforme sur les épaules tu vois, qui nous dit avec une voix d’outre tombe sans que nous lui demandons quoi que se soit « carrosserie dix ». A cela, il pointe un doigt dans la direction de la carrosserie.
Heu, merci Mr le bûcheron déguisé en douanier…
« A » remplit les documents, et je reçois un autre message d’AF qui dit qu’ils ont retrouvés la valise et qu’elle prendra le vol suivant pour Montréal qui doit arriver dans la nuit. Ouf…
Finalement on sort… « E » nous attend, et après un long hug, nous prenons un taxi pour rejoindre son petit appart qui est situé sur Sherbrooke Est, tout près du parc olympique.. 45 minutes de route plus tard, nous y posons nos valises.
A votre avis, que font des français à presque l’heure de l’apéro ?
Ben ils vont au ravitaillement bien sûr, quelle question !!
Ha oui, je vous ait pas dit, il fait beau, mais pu

in ça caille grave.
Nous voilà parti donc à pied au SAQ (société des alcool du Québec), situé à quinze minutes de marche pour acheter de l’alcool. Au Canada, seul ces SA… Q pour Québec, O pour Ontario, etc, sont habilités à vendre des boissons alcoolisées fortes, style whisky, rhum, etc. Tu peux trouver du vin et de la bière ailleurs, mais pas d’alcool fort.
Ce magasin est situé dans le quartier Angus, un ancien quartier industriel.
Un mur d’un ancien entrepôt.
Puis nous rentrons, la nuit est là, on s’en jette un derrière le cornet, on mange un peu, puis dodo sur le clic-clac dans le petit salon attenant à la cuisine, où un frigo qui a avalé un réacteur de fusée, ou alors l’inverse m’obligera à mettre des bouchons dans les oreilles.
La vue de l’appart de ma fille.
Le parc Olympique. Sympa non ?
FICTION
Je suis vivant… Debout et déterminé…
L’homme qui rampe à mes pieds tend la main vers la mallette métallique. Du bout des doigts, il effleure la poignée, un son sort de sa bouche déformée et ses yeux exorbités n’implorent qu’une chose, « du sérum, injecte moi du sérum ». Alors, du pied, je repousse plus loin la mallette, je pointe sur sa tête mon flingue et appuie deux fois sur la détente. La neige se teinte d’un rouge écarlate et gluant, un spasme et le corps se raidit, définitivement.
Je me penche et ramasse l’attachée case. Du sang s’écoule de mon bras gauche, et s’écrase sur le métal bouchonné. La blessure est à vif et la douleur remonte dans mon épaule, m’arrachant un cri. Je rejoins le F150 garé sur la piste et pose délicatement la mallette sur le siège passager. Mon arme, je la garde à portée de main, j’en aurais encore besoin, sans aucun doute.
Il me reste une dernière chose à faire, un dernier lieu à rallier, et je sais qu’il me faudra encore tuer pour me frayer un chemin. Éliminer l’un après l’autre ceux qui feront tout pour ne pas que je réussisse, tuer, pour simplement espérer rester vivant. Au travers du pare brise, je regarde la neige qui tombe de nouveau, elle recouvre déjà le corps du type que je viens d’achever. Ça me fait remonter les vieux souvenirs de ma vie d’avant, et d’autres beaucoup plus récents. Comment ai-je pu en arriver là ?
C’était il y a cinq jours, autant dire une éternité.
Je roule sur une petite route dégagée au nord de Montréal. De chaque côté, les montagnes de neige poussées par les engins de déneigements prouvent que la dernière tempête a déversé une quantité importante de cette maudite neige. Pas moins de soixante centimètres… Et aujourd’hui, il fait un froid terrible, le thermomètre de ma
voiture indique – 28, et avec le vent, il doit faire un bon -35 de ressenti. De quoi te glacer sur place. Trois mois que ça dure, et à en croire la météo, ce n’est pas fini.
Je m’arrête sur le bord, mets les warning et attrape mon portable.
Après quatre sonneries.
-Bon, allez, décroche… Elle doit encore se faire les ongl…
-Montréal assurance j’écoute…
-Janet, c’est moi, qu’es ce que tu foutais, je te paye pas pour…
-C’est sûr, tu ne me payes pas… Cela dit, tu n’as que trois semaines de retard...
Et merde, j’aurais mieux fait de fermer ma gueule.
-Je sais Janet, quand on aura fini, va voir dans le premier tiroir de mon bureau, je suis passé hier soir et j’y ai posé un chèque… Pour toi.
-Attends, je regarde dehors… Tiens, c’est bizarre, il ne neige pas…
-Très drôle… Dis moi, je suis sur la route pour aller voir Madame Dutreau, seulement le
GPS me balade dans la campagne, et je ne trouve pas. Regarde dans son dossier et redonne moi l’adresse s’il te plaît.
-J’étais justement avec elle au téléphone, elle t’attend, et l’adresse est la bonne, elle m’a dit que sa maison était perdue dans les bois et pas facile à trouver. Tu dois pas en être bien loin.
-Fait chier, quelle idée d’habiter au milieu de nulle part.
-Allez, reste calme, un gros contrat en perspective…
-Tu parles… Je reprends la route, à tantôt.
Janet… Sans elle, je me serais déjà suicidé… Une bonne quinzaine de fois au moins. Quand je lui dit que chaque fois qu’elle me parle c’est pour me sauver la vie, elle me regarde tendrement, et me dit : « toi tu me ne l’as sauvée qu’une fois… Pour de vrai ».
Pour que tu comprennes, je vais te raconter l’histoire qui me relie à elle. J’aime pas trop ça, parler de ma vie, mais pour la suite c’est important. C’est important que tu saches qui je suis, ou plutôt qui j’étais. Mais peut-on être deux personnes différentes ?
C’est pas que je suis fier du job que je faisais, mais les conséquences d’un début de vie raté, à traîner dans les rues d’un quartier minable, ont fait que. A quinze ans, je connaissais déjà ce que le mot prison voulait dire. Petit caïd, j’alternais entre la maison de correction et la rue. Trois mois de chaque, en boucle sans fin. Tout mes copains avaient fini soit avec un trou dans le buffet, soit par retrouver le droit chemin. Si bien que pour mes vingt ans et pour ma ixième sortie de tôle, personne ne m’attendait, même pas ma mère. Je marchais sans but en longeant les haut murs de l’établissement pénitentiaire quand un type a posé sa main sur mon épaule. La main froide du destin…
Il disait de moi que j’étais le parfais candidat, que ça faisait un bon bout de temps qu’il m’avait repérer. Je l’ai cru… Et l’enfer a commencé.
Je croyais que je savais me battre, mais après deux branlées, je savais que non.
Je croyais que je savais me servir d’un flingue, mais il m’a prouvé que non.
Je croyais que je n’avais plus rien a apprendre sur moi, il m’a montré que non.
Alors, moi qui croyais savoir beaucoup de choses, j’ai appris. Le combat à main nues sous toutes ses formes, le maniement des armes, mais surtout, j’ai appris la peur, celle qui te paralyse, qui t’enfonce, qui te noie. J’ai appris à la dompter, la canaliser, la juguler. j’ai appris à en faire une alliée et crois moi, elle est redoutable.
« l’organisation » comme il s’appelait, a fini par faire de moi un joujou, mais un jouet dangereux, capable de t’expédier six pieds sous terre sans que tu ne t’en rendes compte. j‘ai fait ma part de job pour « l’organisation » exécutant contrat sur contrat, sans réfléchir aux conséquences de mes actes. Mais « l’organisation » me disait que ce que je faisais était pour l’intérêt général, que je n’étais pas le cerveau, mais la main, que j’étais à ma place et que ce que je faisais, je le faisais bien. Et moi, pauvre idiot, je le croyais, jusqu’à ce jour…
La nuit commence à tomber, je suis allongé dans le fond du jardin sous un arbre. Dans la lunette de mon arme, je vois un homme qui maltraite une femme, il la jette contre une table, et elle s’effondre. C’est elle ma cible, mais je ne la vois plus. Puis l’homme se déshabille complètement et se dirige vers la table où il vient de projeter la femme. Et là, je vois la petite Janet cachée entre les pieds d’une chaise. Elle est nue elle aussi, et son visage est en sang. L’homme écarte les chaises et soulève la table, laissant apparaître la petite fille. Je vois une main, puis deux de la femme au sol qui essayent d’attraper la cheville du gars, mais celui-ci lui met un coup de pied et elle le lâche. Ma cible essaye de protéger l’enfant, et moi je suis censé la tuer. De quel droit ? Pourquoi elle et pas le type qui s’apprête à violer la petite fille ? Non, je ne veux pas être cet homme, non, je ne suis pas cet homme. Alors, je me lève et me dirige en courant vers la baie vitrée. Je l’ouvre d’un coup et pointe mon arme de poing sur l’homme qui a attrapé la petite fille et la maintient sur la table. Il m’a entendu entrer et tourne la tête dans ma direction. Quand il me voit, il sait que c’est fini. Mon Beretta crache deux balle pleine tête et il s’écroule. Doucement je me dirige vers la petite, elle est en pleurs et son visage est tuméfié. Putain d’ordure, faire ça à une enfant… De sur le canapé j’attrape un plaid et l’enveloppe dedans. Ces pleurs cessent, et ses grands yeux marron me fixent.
Je la prends dans mes bras et elle serre fort autour de mon cou. Je me penche et prends le pouls de la femme au sol. Elle aussi est morte, la nuque brisée. La petite toujours dans mes bras, je sors et cherche l’hôpital le plus proche. Je la dépose aux urgences et attends qu’un toubib me donne des nouvelles. Quand il vient me voir, il me demande si je suis de la famille, je lui dis non. Sa réponse résonne encore dans mon esprit.
« Je vous dirais juste que vous êtes sûrement arrivé au bon moment »
C’était un jeudi, un soir d’automne à Montréal, c’était il y a 20 ans, c’était hier.
En rentrant, j’ai tout plaqué et « l’organisation » m’a laissé tranquille, il avait déjà un remplaçant. Avec une nouvelle identité, je suis venu m’installer ici, à Montréal et j’ai monté cette petite boite d’assurance. Pas bien glorieux comme travail mais il m’a permis de vivre jusqu’à maintenant et surtout, il m’a permis de payer les études de Janet. Aucune famille n’a jamais voulu d’elle, une petite fille violée c’est trop de problèmes à gérer, alors elle a grandi dans un orphelinat et moi dans l’ombre je veillais. Pour ses vingt cinq ans et alors qu’elle cherchait un job, je lui ai fait savoir que je recherchais une secrétaire. J’étais debout contre la fenêtre quand elle est entrée dans mon bureau. Elle a dû ressentir mon trouble, ses grands yeux marron m’ont fixés, elle a semblé chercher au fond de sa mémoire et s’est jeté dans mes bras.